BÉNI.E SOIS-TU
TOI QUI M’AS FAITE FEMME…

Lire en Laque - Sarah Mélina Clair - Béni.e sois-tu toi qui m’as faite femme…

Béni.e sois-tu toi qui m’as faite femme…

Ensemble de 9 panneaux


De gauche à droite et de haut en bas.

Il est des rencontres qui font comprendre le rêve que Dieu caressait quand il créa la femme et l’homme.
Parce que « La vérité germera de la terre », (Ps 85, 12), cette œuvre est réalisée en terre rouge de Pouzzoles, mêlée de laque.

Paradoxe quasi onirique
Elle l’aime. Sans l’avoir jamais rencontré.
Elle lit. Peut-être pour tromper son attente.
Pour chercher une trace de lui.
Il est celui qui se cache dont elle sent la présence irradiante.
Son nom seul est vivant.
Et pèse son poids d’étoile.

Le génitif adjacent
Ils prient. Si semblables les uns aux autres. Si différents.
Sous les écorces, la même sève.
Les visages se font caresse.
Les cœurs livrent bataille. Se désaltèrent.
Entendent.
Aiment.
Eloignent les abîmes.
Bercent le monde.
Loin de la réalité des autres.

Qui nous a paru opportune
Ils viennent de loin.
Bien avant le soir du premier Jour de la Genèse.
Bien avant ce jour où fut créée la lumière.
Sumer les ébauche, Ahura-Mazda les célèbre,
Socrate les reçoit,
Jamais ils ne se perdent.
Ils traversent la Bible. Le talmud. Le Zohar.
Peut-être l’homme a-t-il mis quelque temps à entendre leur musique ?
Ils oscillent entre l’Exil et le Royaume.
Ivres de louanges, hymnes et chants
Ils virevoltent, psalmodient, livrent bataille
Dissipent les ombres, rafraîchissent les cœurs las
Ouvrent le Ciel…
Son Ange se promène dans sa vie.
C’est une femme sans âge au visage doré
Un tison toujours avivé au fond de ses prunelles
Elle s’enlace à sa marche
Et lance avec une effronterie joyeuse
Des brassées de jasmin
Sur les rêves des vivants.

Par Ailleurs
Elle n’est pas toujours entière à l’endroit où elle se tient
Elle n’est jamais autant chez elle que dans un Ailleurs qu’elle s’invente et qui n’appartient qu’à elle
Elle est un Nous
Un creuset où se mêlent des mondes
Les Manques en elle sont chemins de partance
Forces d’appel et de rebond
Elle a soif de Pleine Présence
Et de pieds nus

Or
Elle aime le silence quand il célèbre un secret
Elle aime cette légende juive qui raconte qu’à chaque naissance un ange s’approche de l’enfant et se penche sur lui. Il lui enjoint de se taire sur toutes les merveilles d’avant, sur son origine céleste, et applique son doigt devant la bouche du nouveau-né : il nous en reste la trace creusée sous le nez.
Certains silences reprennent leur souffle.
Elle est fille de ce silence-là, la fille d’un secret.
Elle en a la peau,
Une peau de Lumière,
Peau primordiale de la première femme avant toute fracture.
Avant le geste subversif d’arrachement.
Elle est fille d’un silence qui a choisi de ne pas ébruiter le secret des origines.
Du passé ce secret ne retient que le carnage et ressasse la souffrance.
Encore et encore.
Elle court – Rassemble ses forces. Rassemble son corps. Quelque chose la déborde. Déborde la vie apprise.
Elle court. Nul n’aura raison de sa résistance. Nul ne l’entraînera à contre-corps. A contre-cœur.
Elle est une enfant qui aime les mains et les visages.
Une enfant qui abrite un désir de vivre insensé, radieux, entier.
Faite pour la joie.
Elle goûte ceux qui sauvegardent, en toutes circonstances, la beauté.
Ceux qui transforment la morosité en éclats de rire.
Elle lit – On voit mieux quand on lit.
Elle voit ce que les autres ne voient pas.
De là à devenir sourcière, il n’y a qu’un pas.
Les silences se déchiffrent.
Les secrets finissent par être livrés.
Dans une même coulée elle incarne par sa seule existence la dissolution et la fécondation. Femme de plusieurs ciels. Reflux et flux.
Elle est le brasier et la source.
Sa terre promise n’est pas celle des Hébreux.
C’est la Terre à enfanter, en elle et autour d’elle.
Terre entière d’espérance et d’émerveillement.
C’est dans sa peau.
Tatoué.

(Le Midrash enseigne qu’il y a un passage du mot Or, Aleph, vav, rèch, qui veut dire Lumière, au mot ‘Or, Ayin, vav, rèch, la Peau. D’êtres de « lumière » (or), Adam et Eve deviennent des êtres de « peau » (‘or).)

Radiations intérieures
-Elle- Un bruit incessant,
Que l’on tente de faire entrer dans un seul bloc, une seule masse : « féminine »
Où s’absorbe et se perd le désir des autres.
-Fausse monnaie des mots-
La femme échappe au définir.
Le féminin est un voyage qui s’invente à mesure, fait d’éclats, de mouvances discontinues qui jamais ne s’enferment, bien au contraire s’inventent, se risquent, et s’ouvrent toujours à une Révélation.

Deux syllabes et demie de connivence
Ce qui a été arraché peut toujours être sauvé.

A la ligne
Tu te prêtes à la brisure
Tu t’ouvres tu te fends
En éclats – de rires, de lire
De sens
Ton corps tinte
Souvent frappé au cœur
Saisi dans le chant du Monde
Dans son étoile et sa permanente lueur

A titre de contre-épreuve
Fervente des ondes libres
Je te désire comme un fruit suspendu
Où vont les larmes qui ne sont pas versées ?
Je te désire comme un pays sans eau
Amoureuse des sources

Sarah-Mélina Tsaposnik (ex Clair)

Format : 122 cm x 122 cm
Date de création : 2019
Prix : sur demande

Terre de Pouzzoles, ors, géode