LE PARTAGE DES EAUX

Lire en Laque - Sarah Mélina Clair - Le Partage des eaux

La partage des eaux

Hommage à Alejo Carpentier

Ensemble de 9 panneaux.


De gauche à droite :

La Vie moderne. Aliénation.
Epigraphe du chapitre premier
« En plein midi tu tâtonneras comme l’aveugle … » Deutéronome, 28-23-28.
« Nous étions tombés dans l’ère de l’Homme-Néant, où les âmes ne se vendaient pas au Diable, mais au Comptable ou au Garde-Chiourme. » Alejo Carpentier.
Pigments, coquilles d’œufs, Jaspe orbiculaire de Madagascar.

Révolte.
Epigraphe du chapitre 3 : « … Ce sera l’époque où il prendra la route, dévoilera son visage, parlera et vomira ce qu’il a avalé et se débarrassera du surcroît de sa charge… »
Le livre de Chilam-Balam. Alejo Carpentier.
Pigments, Lave.

Conscience.
« Dans un instant nous sortirions de la brume opalescente qui se teignait du vert de l’aube : ce serait alors pour moi le début d’une sorte de Découverte. » Alejo Carpentier.
Pigments, ors 24 carats, Apophyllite verte d’Inde.

Le chant du monde.
« Peut-être les hommes découvriront-ils un jour un alphabet dans les yeux des calcédoines, dans le velours brun des phalènes, et l’on saura alors avec étonnement que chaque coquillage tacheté était depuis toujours un poème. » Alejo Carpentier.
Pigments, feuilles d’ors, coquilles d’œufs, Calcite avec fossiles du Maroc.

Gemmes.
« … la seule race humaine qui ne peut pas se détacher des dates est la race des créateurs d’art : non seulement elle doit dépasser un passé immédiat, représenté en témoignages tangibles, mais deviner encore le chant et la forme de ceux qui viendront plus tard, créant de nouveaux témoignages avec la pleine conscience de ce qui a été réalisé jusqu’à nous. » Alejo Carpentier.
Pigments, nacres, ors, poudre d’or 24 carats, Améthyste du Brésil.

Les pas perdus.
« En cherchant la brûlante vérité à travers des mots (…), je me dis que la marche à travers des chemins exceptionnels s’entreprend inconsciemment, sans que l’on éprouve la sensation de merveilleux au moment où on le vit : on parvient si loin, au-delà des sentiers battus, au-delà du monde connu, que l’homme, tirant vanité du privilège de sa découverte, se sent capable de répéter l’exploit à volonté, maître désormais de la route interdite aux autres. Il commet un jour l’erreur irréparable de redéfaire la route, croyant que l’exceptionnel peut l’être deux fois. » Alejo Carpentier.
Pigments, nacres, ors, poudre d’or 24 carats, silicate du Brésil.

Le chemin de la puissance créatrice.
« Une œuvre a pris forme dans mon esprit ; elle existe devant mes yeux ouverts ou fermés, elle résonne à mon oreille et m’étonne par sa logique. Une oeuvre inscrite en moi-même, que je pourrais mettre au jour sans difficulté, texte ou partition, quelque chose que tout le monde pourrait toucher, lire, comprendre. (…)
Je dois l’écrire et je l’écrirai, quoi qu’il en soit : même à la seule fin de me prouver que je n’étais pas vide, (comme j’ai voulu le faire croire). » Alejo Carpentier.
Pigments, ors 24 carats, Améthyste du Brésil.

Symbiose.
« Une joie immense m’envahit, de me répéter que je reste, que la lumière du soleil et du bûcher m’éclaireront désormais, que je plongerai mon corps tous les matins dans l’eau de cette cascade et qu’une femme accomplie et loyale sera toujours à portée de mon désir. » Alejo Carpentier.
Pigments, nacres, feuilles d’or, poudre d’or, Labradorite.

La vallée du temps suspendu.
« Je vais me soustraire au destin de Sisyphe que le monde d’où je viens m’a imposé; fuir les professions creuses, la course de l’écureuil dans son tambour, le temps mesuré, les métiers obscurs. Les lundis cesseront d’être pour moi des lundis des Cendres ; il n’y aura même pas lieu de se rappeler que le lundi est lundi, et la pierre que je portais passera à celui qui voudra se charger de son poids inutile. » Alejo Carpentier.
Pigments, feuilles d’ors, Apophyllite blanche d’Inde.

Lorsque Alejo Carpentier écrit, en 1955, Le Partage des eaux – alias Les Pas perdus (en espagnol)- la littérature latino-américaine se situe dans une phase d’identification et de création d’une littérature apte à atteindre le concert des nations.
Le partage des eaux est un voyage circulaire pour un homme qui a perdu sa route, et retourne aux origines. Un nouveau monde s’ouvre, celui de la forêt, un monde antérieur à toute culture : une autre esthétique, une autre organisation humaine du temps.
On entre dans une dimension atemporelle, qui permet à l’homme de retrouver un courant d’intense créativité. Loin de la mégalopole aliénante, il retrouve un équilibre spirituel.
Pour autant, il devra quitter la vallée du temps suspendu et lorsqu’il y reviendra, il découvrira qu’il lui est impossible de retrouver les pas perdus. Sinon par l’Art. Il découvre qu’il est fondamentalement seul, qu’on est fondamentalement seul quand on crée. Quand on laque. Quand on écrit. C’est son destin d’artiste.

Seule la création lui permettra de faire fusionner les différents temps : le passé, le présent et l’avenir.

Enfant, les pierres me plongeaient dans un état de fascination, d’extase. Elles faisaient surgir de puissantes rêveries. J’imaginais leur vie, leur histoire, les coulisses d’un monde aux faces cachées, archaïque, primitif. Sans doute cette permanence renforçait-elle leur pouvoir d’hypnose.
Nous sommes venus les derniers et nous partirons les premiers, nous souffle Roger Caillois. Elles, ces gouttes de siècle, qui répandent une lumière prodigieuse, nous ont précédés et nous continueront.
Pour évoquer la perfection, on parle d’une pierre de la plus belle eau. La Laque, comme une pierre, offre transparence et profondeur. J’aime l’idée que par son eau, son miroitement, la laque bavarde avec les pierres venues d’ailleurs. J’aime l’idée de leur offrir un nouvel écrin dans lequel elles pourront s’allumer de leurs feux réciproques. J’aime l’idée que ces formes nées de la patience de l’univers, émergées d’un chaos, propagent en nous leur force élémentaire.

Format : 120 cm x 120 cm
Date de création : 2018 – 2019
Prix : 10 000 €