SEUL TON REGARD
Seul ton regard
Nous habitons un chef d’œuvre : notre corps.
Un corps comme un univers entier.
Une précieuse enclave qui nous est confiée.
Séparé de la résonance pour laquelle il a été créé,
ce chef-d’œuvre est anéanti.
Là, au nom d’un culte de pureté, l’innocence est massacrée. Un massacre à la chaîne. Une contagion. Un acharnement. Une radicale folie.
Là, sous la lame de l’équarisseuse, des fillettes sont mutilées. Saisies de force, cuisses écartées, la lame tranche à vif : lèvres, petites et grandes, clitoris… Orifice barbelé. Place nette. La lame pénètre la chair et le sang jaillit, profus, à gros bouillon. La vie se vide. Tout devient rouge. Jusqu’aux cris.
La même lame pour plusieurs fillettes.
La même eau pour nettoyer les plaies.
Certaines sombrent dans l’inconscience, d’autres dans la folie. Nombreuses sont celles qui meurent. Même le silence saigne.
Ce sont des enfants. Des petites filles dans le regard desquelles on pouvait la veille encore boire l’éternité. Regard désormais plongé dans l’abîme de la souffrance et de l’inhumanité.
Enfance territoire pilonné.
Enfance qui aurait dû rester intacte.
En quelques secondes, le corps devient prison
Sans que nul sens ne s’écoule par ces plaies
Ces plaies qui touchent aux racines de la vie.
A vie la souffrance devient geôlier
De ce corps espace verrouillé.
Sacrifié, Condamné
Marqué, Castré
Méprisé, Humilié
Profané, Aliéné.
Quand on sait le choc lumineux de l’éros,
Porte d’accès à une conscience, à la ferveur,
Quand on sait les corps en résonance.
Comment vivre sans cette intensité ?
Sans cet espace en prise directe sur le sacré ?
Dans la longue enfilade des femmes d’une lignée
Dans le flux des enfants que l’on porte,
Dans cette transmission d’une berge à l’autre,
Avec charge d’âme
Que faire de tout ce poids du sang en mémoire
Sinon prendre congé de ce supplice
Qui décompose l’être
Pour que pulsent, pacifiés,
La mémoire et le sens d’une terre
Qui aspire à la dignité
Et à la caresse.
Là, c’est Ici.
Rien n’a lieu sur cette terre qui ne nous implique.
Tout ce qui vit aspire à ton regard.
Sarah-Mélina Tsaposnik (ex Clair)
Format : | 159 cm x 114 cm |
Date de création : | 2019 |
Prix : | sur demande |
Pigments, or, améthyste, agathe, calcite